Anthony Simon, son père Richard et sa mère Olga se sont suicidés mardi matin à Marseille. Les raisons de cet acte sont écrites noir sur blanc dans un petit cahier qui leur sert de testament.
La couverture du cahier résume bien la situation : “Confession d’un enfant dont la vie a basculé”.
Le livre, ainsi que plusieurs lettres, avaient été envoyées lundi au quotidien La Provence, ainsi qu’au chef de l’Etat. Les parents et le fils y racontent leurs problèmes, leur détresse. Tous ont signé, avant d’en finir.
La situation des Simon était en effet très critique :
– le père n’arrivait pas à éponger les dettes de sa librairie du quartier de Saint Just, achetée il y a 25 ans
– la mère souffrait de la maladie de Parkinson et était en dépression, dépression qui gagna vite le père et le fils
– après des études commerciales, Anthony décida de venir aider ses parents, sans succès.
La décision d’en finir se concrétisa assez vite, et quelques extraits de leurs écrits prouve une fois de plus que la société n’est que rarement là pour ceux qui en ont vraiment besoin :
Anthony, jeudi 15 novembre
“Si aujourd’hui, je suis en train d’écrire sur ce cahier, c’est pour décrire mon malheur, du fait que nous allons bientôt nous en aller. J’ai une boule dans la gorge à l’heure où j’écris, je suis appuyé sur le tiroir-caisse de notre magasin, je viens de renseigner une personne qui était perdue, je l’ai fait car je sais ce qu’est être perdu. C’est pour cela que je vais vous décrire ma vie telle que je la ressens.”
“Je dis sur ce cahier tout ce qui me passe par la tête, je me sens usé et non aidé par la vie, car si elle avait voulu m’aider, elle l’aurait déjà fait.”
“Ce qui me fait peur, c’est que ma maman a une idée précise de ce qu’elle veut aujourd’hui: c’est se supprimer. Je ne sais pas quelle est la bonne solution: se péter la gueule, mettre de l’argent dans la société et travailler ou une autre solution s’il y en a une.”
Anthony, samedi 17 novembre.
“On est encore là, comme des âmes en peine, trois zombies, trois paumés. Mon père, qui me fait tant de peine, est encore tout seul au magasin, on ne sait même pas pourquoi.”
“Je m’inquiète de tout, j’ai peur que ce jour finisse mal. Je ne veux pas que mon père fasse de conneries, je veux qu’il reste comme avant. Faites que l’on s’en sorte s’il vous plaît!”
Anthony, dimanche 18 novembre
“Mon père doit être triste à l’idée de ce qui va se passer. Il devient fou mon papa, par l’état de santé de maman, les finances du magasin et nos finances personnelles. J’aurais voulu aider mon père à avoir moins de soucis, à être plus tranquille, j’aurais aimé partager des moments inoubliables avec mon père.”
“Là, je vois mon père en train d’écrire le pourquoi et le comment de notre décision. On veut être libéré, on en a marre de souffrir, on ne verra pas Noël cette année.”
“Je préfère m’en aller avec mes parents, en famille, plutôt que de vivre en enfer. Mon rêve était modeste. Je suis un grand supporter de l’OM, mon club, je souhaiterais obtenir de leur part une minute de silence, de la part de tous les supporters que j’aime tant. Le stade, c’était mon temple, la passion de ma vie.”
Richard, dimanche 18 novembre
“Aujourd’hui, nous avons décidé tous les trois d’en finir avec notre putain de vie.
Je ne sais pas encore quand ça va se faire, mais nous allons enfin pouvoir nous libérer de cette prison qui est devenue notre vie, grâce à des gens qui nous ont enfoncés et qui n’ont rien fait pour nous aider. On nous a poussés à bout. On est tous les trois d’accord pour partir ensemble, nous nous sommes concertés, on n’en peut plus, on nous a écrasés. Je suis lucide, je sais que ce l’on va faire, c’est grave, mais tant pis”.
Etant aussi à la tête d’une petite entreprise, je note une fois de plus le manque total d’intérêt de la société pour ces milliers d’entrepreneurs qui ont du mal à s’en sortir et qui doivent travailler plus que de raison sans aucune sécurité de l’emploi ou de salaire.
Très motivé au début de mon aventure, j’ai eu 3 premières années difficiles avec presque aucun résultat et des dettes à rembourser, des fournisseurs pas toujours sympa, un banquier totalement absent et des administrations rarement conciliantes. Je ne dois mon salut qu’au soutient, moral et financier, de ma famille. Est ce normal ? J’estime que non. L’état ne sert visiblement qu’à prendre sa part du résultat et n’est jamais d’une grande aide
Entreprendre en France est complexe et risqué. Aucune structure ne vient vers ces entrepreneurs dans le besoin alors que l’état, les administrations et les différents partenaires financiers disposent de nombreux clignotants : bilan, feuille d’imposition, comptes bancaires …
Les Simon auraient du être aidé, être contactés. Ce drame est incompréhensible alors que l’on voit des millions dépensés dans de faux problèmes, via des structures peu rentables et inefficaces.
Dans ces conditions, il faut peu de choses pour basculer dans la dépression. J’espère que cet acte sensibilisera l’opinion sur les difficultés rencontrées par tous ces commerçants, artisans, indépendants et sociétés familiales qui doivent se débrouiller seuls pour avancer dans la vie.
J’espère vraiment que leurs dernières volontés seront respectées : des obsèques religieuses et une minute de silence au Vélodrome
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